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    Le Malawi, sous l’emprise d’El Niño, déclare l’état de catas­trophe naturelle

    Touché par une séche­resse dévas­ta­trice, le Malawi est au cœur d’une crise ali­men­taire, menaçant la sécurité ali­men­taire de millions de ses habitants. En lançant un appel urgent à la com­mu­nauté inter­na­tio­nale, le président Lazarus Chakwera espère obtenir une assis­tance et des res­sources supplémentaires.

    « Plus besoin d’attendre après la mort pour être plongé dans le brasier éternel de la géhenne ! L’enfer, c’est sur terre ». Ces mots du journal Wakat Séra au Burkina Faso font référence à la sévère séche­resse qui touche le Malawi. Les 21 millions d’habitants qui composent ce pays d’Afrique Australe sont exposés à un risque accru de famine. La séche­resse serait le résultat d’une conjonc­tion de facteurs cli­ma­tiques, exacerbé par des condi­tions météo­ro­lo­giques extrêmes. En effet, le Programme ali­men­taire mondial (PAM) alerte sur le fait que la région, englobant notamment la Zambie, le Zimbabwe et le Botswana, a récemment traversé le mois de février le plus aride de ces quatre dernières années. Les autorités indiquent de très mauvaises récoltes, attri­buées au double impact du dérè­gle­ment cli­ma­tique et du phénomène El Niño. Selon l’Organisation météo­ro­lo­gique mondiale (OMM), El Niño cor­res­pond à un réchauf­fe­ment d’une grande partie du Pacifique tropical, entraî­nant des consé­quences sur le climat mondial. Il se produit tous les deux à sept ans et dure entre neuf et douze mois. Le phénomène a atteint son pic en décembre, mais ses effets conti­nue­ront de se faire sentir sur la terre ferme jusqu’en mai prochain. « Il amplifie les vagues de chaleurs natu­relles. C’est d’ailleurs une conti­nuité entre les années 2023 et 2024 », affirme Omar Badour, res­pon­sable du suivi climat à l’OMM. Effectivement, à la mi-​janvier, l’OMM et l’Agence amé­ri­caine d’ob­ser­va­tion océanique et atmo­sphé­rique (NOAA) ont annoncé que l’année 2024 pourrait battre le record de chaleur établi en 2023. Toujours selon les données de la NOAA, il y aurait une chance sur trois que l’année 2024 soit plus chaude que l’année 2023, et presque 100 % de chances qu’elle figure parmi les cinq années les plus chaudes de l’his­toire. Toutefois, Johan Rockström, scien­ti­fique de renommée inter­na­tio­nale, souligne qu’il y a aussi des pos­si­bi­li­tés que, suite à ce « troisième super événement El Niño », renforcé par l’ac­ti­vité humaine, les tem­pé­ra­tures « retombent, comme cela a été le cas en 2016 et 1998″. En attendant, le Malawi en subit les effets négatifs.

    Les consé­quences désas­treuses de la sécheresse 

    Déjà ravagé par les dégâts du cyclone Freddy l’année pré­cé­dente à la même période, il subit désormais les consé­quences désas­treuses de la séche­resse, affectant près de la moitié de sa récolte de maïs, l’aliment de base du pays. Dans son allo­cu­tion nationale, le président Lazarus Chakwera a déclaré un état de catas­trophe naturelle dans 23 des 28 districts du pays, suite à une éva­lua­tion gou­ver­ne­men­tale des dégâts sur les terres agricoles. Les premières éva­lua­tions indiquent qu’en­vi­ron deux millions de foyers agricoles ont été affectés par la séche­resse, avec près de 750 000 hectares de maïs, ce qui repré­sente 44,3 % des terres cultivées au niveau national, ayant été endom­ma­gés. Les réper­cus­sions de la séche­resse au Malawi ont ainsi un impact dévas­ta­teur sur la popu­la­tion, menaçant la sécurité ali­men­taire de millions de Malawites. Sur le terrain, les témoi­gnages poignants des agri­cul­teurs locaux reflètent la détresse géné­ra­li­sée : « sur la parcelle que je cultive avec mes enfants, on peut récolter, nor­ma­le­ment, de quoi remplir une vingtaine de sacs de 50 kg de maïs, les années où il y a assez de pluie. Mais cette année, je ne vais pas vous mentir : c’est rien », déclare une paysanne malawite à la télé­vi­sion chinoise CGTN Africa (China Global Television Network), diffusé plus tard sur le réseau social X. Ces agri­cul­teurs, qui dépendent de leurs récoltes pour leur sub­sis­tance, demandent dès à présent de l’aide extérieure.

    Appel à l’aide alimentaire 

    Lazarus Chakwera estime que près de 600 000 tonnes de maïs, d’une valeur d’environ 200 millions de dollars, sont néces­saires pour répondre à la situation d’urgence. Or, la dis­tri­bu­tion d’aide ali­men­taire, bien que vitale, demeure insuf­fi­sante pour répondre aux besoins crois­sants de la popu­la­tion malawite. Brighton Mphinga, agent de gestion des catas­trophes pour le district de Neno, dans le sud du Malawi, explique que « la nour­ri­ture que nous dis­tri­buons aujourd’hui est pour la saison actuelle que nous tra­ver­sons, mais il y a une famine sup­plé­men­taire à affronter pour la saison prochaine, pour la période de soudure ali­men­taire, à cause de la séche­resse actuelle ». Cette décla­ra­tion met en lumière le caractère cyclique de la crise ali­men­taire dans le pays, inten­si­fiée par « des pluies insuf­fi­santes, des inon­da­tions et des périodes de séche­resse pro­lon­gées », déclare Lazarus Chakwera. De même, le réseau de la Société civile agricole du Malawi (Cisanet), qui soutient notamment l’appel à l’aide inter­na­tio­nale du président, insiste par­ti­cu­liè­re­ment sur « l’im­por­tance d’aligner les inves­tis­se­ments sur des pratiques intel­li­gentes en matière de climat, d’a­mé­lio­rer l’accès des petits exploi­tants agricoles aux res­sources et de renforcer les ins­ti­tu­tions locales pour une mise en œuvre efficace ». Pour atténuer les consé­quences dévas­ta­trices de ses crises récur­rentes, le Malawi aurait besoin de finan­ce­ment pour investir dans des infra­struc­tures d’irrigation per­met­tant aux agri­cul­teurs de cultiver des terres et ce, par tous les temps. La promotion de semences néces­si­tant moins d’eau et l’a­dop­tion de tech­niques agricoles durables sont également jugées essentielles.

    Une séche­resse géné­ra­li­sée en Afrique australe 

    Avant même que le Malawi ne déclare l’état de catas­trophe, la Zambie et le Zimbabwe res­sen­taient, dès la fin du mois de février, les effets dévas­ta­teurs de la séche­resse. La situation critique en Zambie a mené à l’as­sè­che­ment des prin­ci­paux barrages du pays, affectant ainsi l’approvisionnement en énergie. Effectivement, environ 80% de l’élec­tri­cité zambienne est produite par des centrales hydro­élec­triques ali­men­tées par le fleuve Zambèze et ses affluents. Des déles­tages de huit heures par jour avaient donc été mises en place. Or, ces coupures ont un « impact signi­fi­ca­tif sur les appro­vi­sion­ne­ments », selon les autorités. Les habitants, déjà confron­tés à des dif­fi­cul­tés éco­no­miques, doivent désormais composer avec une four­ni­ture d’élec­tri­cité spo­ra­dique, ce qui entrave leur capacité à tra­vailler et à mener une vie normale. La séche­resse a également aggravé les pénuries d’eau, affectant non seulement la pro­duc­tion hydro­élec­trique, mais aussi l’ap­pro­vi­sion­ne­ment en eau potable pour les popu­la­tions locales. Le débit réduit du fleuve Zambèze et de la rivière Kafue a mené à une « réduction drastique de l’eau dis­po­nible, pour la pro­duc­tion d’élec­tri­cité et pour les besoins quo­ti­diens en eau ».

    Le Zimbabwe, situé un peu plus au sud, a vu au même moment, une grande partie de ses récoltes décimées. Les champs de maïs, nor­ma­le­ment d’un vert vigoureux à cette période de l’année, sont restés tris­te­ment jaunis par le manque de pluie, comme le décrit l’a­gri­cul­trice Ladias Konje : « nous devrions compter sur du maïs frai­che­ment récolté, des citrouilles et des arachides. Mais cette année rien ne pousse dans les champs ». Les Nations Unies explique que cette situation a provoqué une aug­men­ta­tion alarmante du nombre de personnes en insé­cu­rité ali­men­taire dans la région. À ce jour, plus de 13 millions de personnes en Afrique australe souf­fri­raient d’un manque de nour­ri­ture. D’après la défi­ni­tion adoptée lors du Sommet mondial de l’alimentation en 1996, « la sécurité ali­men­taire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et éco­no­mique à une nour­ri­ture suf­fi­sante, saine et nutritive, leur per­met­tant de satis­faire leurs besoins éner­gé­tiques et leurs pré­fé­rences ali­men­taires pour mener une vie une vie saine et active ». Ainsi, la part de la popu­la­tion africaine n’ayant pas cet accès, se trouve en insé­cu­rité ali­men­taire. Selon l’agence française de déve­lop­pe­ment (AFD), « l’Afrique est le continent où la pré­va­lence de l’insécurité ali­men­taire est la plus forte ». Certes, la pauvreté en serait la prin­ci­pale cause mais le chan­ge­ment cli­ma­tique, lié majo­ri­tai­re­ment aux activités humaines, a également une grande part de res­pon­sa­bi­lité. Le scien­ti­fique Benjamin Pohl s’aligne avec cette idée, en consta­tant que « les popu­la­tions les plus exposées sont ainsi les plus vul­né­rables et les moins res­pon­sables des émissions de gaz à effet de serre qui amènent cet excès de chaleur ».

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