Implanté depuis 2019 à quelques minutes de Lille, le musée des arts forains étonne puis nous ramène à l’enfance. Didier Vanhecke, son propriétaire, est un personnage haut en couleur, autant que son antre.
La visite mensuelle du samedi 8 mars était un bon prétexte pour monter sur le carrousel ou tirer à la carabine. On a failli sentir quelques effluves de barbe à papa, mais on s’est rendu compte qu’elles n’étaient pas encore prêtes, il n’était que dix heures après tout. Car c’est tout un système olfactif qui se met en route dès lors qu’on pénètre la capsule temporelle de Didier Vanhecke. Producteur de spectacles, le monsieur affectionne le beau, les paillettes, la surprise, la couleur, et l’enfance. A vingt ans, il devient marionnettiste pour la célèbre émission de Claude Laydu, « Bonne nuit les petits ». « C’est avant tout pour l’enfance que je fais tout cela. On se doit de la préserver », confie-t-il d’un air naturel, qui contraste avec l’ère actuelle.

Un p’tit tour de chenille ?
« Les retardataires nous rejoindront ! », s’exclame Didier, micro dans la main droite, tandis que la gauche restera enfoncée dans sa poche durant toute la visite. Face à une ribambelle d’enfants préférant jouer au baby-foot que d’écouter l’histoire du monde forain (délicieusement raconté par notre hôte), une petite équipe s’affaire pour mettre en marche le stand de tir à la carabine. Et ce n’est pas moins de soixante-dix personnes qui ont essayé de viser juste. Mais c’est entre le carrousel, le chapiteau doté d’un magnifique lustre et quelques antiquités colorées, que le récit prend réellement vie, peut-être un peu trop. La chenille va vite. Très vite. Monsieur est monté, madame lui emboîte le pas, et plus loin, un couple assoit ses deux enfants sur leurs genoux. Sous un fond sonore typiquement forain et une fumée artificielle, la vitesse galvanise les anciens comme les plus jeunes. En prime, la « capote » prend place : c’est le moment parfait pour un échange de bisous discrets. « Tu te rappelles le bon vieux temps ?» questionne, de façon rhétorique, un homme d’un certain âge à sa femme envoutée par la magie du moment. « Avant, on se montrait beaucoup moins qu’aujourd’hui », plaisante Didier dans le micro.

Un patrimoine en voie de disparition
« Hélas, les parcs d’attraction ont supplanté les fêtes foraines. Nous sommes une entreprise privée, nous ne recevons donc aucune subvention. C’est pour cela que ces visites (dont le coût est de 15 euros par adulte et 5 euros par enfant) sont importantes pour nous. Cela nous permet, par exemple, de restaurer les machines et les sculptures. Une personne s’en charge spécialement. Ce sont des vieilles dames, comme le carrousel qui date de 1903 », s’épanche Didier. Ce grand collectionneur tient à préserver ce qu’il considère appartenir au patrimoine français. « Ici ne sont entreposées que 20 % de mes pièces de collection. Le reste est entreposé à Lille, je suis l’heureux possesseur de milliers d’objets appartenant au monde forain !», raconte Didier. Pour cela, les quelque 1350 m² peuvent faire office de réception ou de gala, générant un supplément non négligeable pour le propriétaire des lieux. Ici, on divague, on s’arrête, stoïque, devant l’énième curiosité. Et puis on s’accoude sur ce grand et large comptoir dont le rouge rappelle celui de ces grosses sucettes. Nougats, barbes à papa, glaces à l’italienne… C’est le pot de départ, on déguste avant de partir. Passé la porte, le soleil est de retour, on avait froid dans ce grand local. Comme l’impression de sortir d’une capsule temporelle… La vie reprend son cours.