Annoncée samedi 21 septembre, la nouvelle équipe ministérielle a pris possession de ses locaux dès lundi. Lors du premier Conseil des ministres, Michel Barnier demandait à son équipe d’agir avant de communiquer. Mais à l’heure des passations de pouvoir, difficile de lutter contre ses vieux démons face aux impératifs de la communication politique…
« Je vous attendais », lance un homme à la chevelure dorée, qui loge depuis 28 mois à l’Hôtel de Villeroy. Cet homme, c’est Marc Fresneau, laissant son ministère de l’Agriculture à Annie Genevard. L’ancienne députée LR arborait ce lundi son costume le plus blanc, le plus brillant, celui qui représentera dorénavant les femmes et hommes qui salissent leurs bottes de boue chaque matin. Et derrière ses lunettes rouges, la nouvelle nommée s’en tient à un discours millimétré, solennel et à l’attention, justement, des travailleurs des champs. « Agir vite et juste », annonce la ministre qui entretient depuis 30 ans maintenant, une certaine prudence à l’égard des politiques écologiques, pour une approche plus pragmatique.
« J’y laisse beaucoup de moi »
10h encore
Ou presque. Éric Dupont-Moretti devait être encore un peu patient pour pouvoir quitter, après plus de 4 ans, son temple place Vendôme. De son costume croisé, noir, serré, il présentait à Didier Migaud ce lieu dont il dit avoir laissé beaucoup de sa « personne » et de ses « doutes ». Après le petit quart d’heure du discours durement récité par Acquittator, Didier Migaud a pu déplier sa feuille de route. Dans son trois pièces bleu marine, qui ne rappelait pas les couleurs de sa famille politique d’origine (PS), le nouveau garde des sceaux invitait la « galaxie judiciaire à réussir les énormes défis de la société. »
10h15
C’est au tour de Catherine Vautrin de laisser sa place, ou plutôt, ses places. Pendant huit mois, la gestion des ministères du Travail, de la Santé et des Solidarités, justifiait certainement les nuits courtes de cette directrice de marketing. C’est peut-être la raison pour laquelle les deux têtes de l’exécutif ont décidé de nommer à son poste trois ministres au lieu d’un : la macroniste et cheffe d’entreprise Astrid Panosyan-Bouvet au Travail et l’Emploi ; la centriste Geneviève Darrieussecq à la Santé et à l’Accès aux soins ; et l’élu du Nord Paul Christophe aux Solidarités.
« Rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre »
10h30
Il faut rapidement traverser la Seine pour quitter le ministère de la Santé vers la place Beauvau, où les pouvoirs d’un grand fidèle d’Emmanuel Macron sont légués à une droiture plus radicale que celle de Michel Barnier. Gérald Darmanin laisse ce qui est sa « maison » depuis plus de quatre ans, le ministère de l’Intérieur, à Bruno Retailleau. Un costume droit, parfaitement taillé, d’un bleu France affirmé, habillait les deux hommes se succédant derrière le pupitre. À l’image de son costume, Bruno Retailleau hausse le ton et n’hésite pas à piquer son prédécesseur. Il lance sa phrase choc, minutieusement préparée pour les journalistes de l’audience : « Trois priorités. La première : rétablir l’ordre. La deuxième : rétablir l’ordre. La troisième : rétablir l’ordre. » En fond, à la limite du flou de l’objectif, difficile de manquer le visage fermé de Marlène Schiappa devant le moment de gloire du nouveau ministre de l’Intérieur.
10h30 toujours
Il fallait avoir ses deux postes de radio allumés sur différentes fréquences. Pendant que la place Beauvau adoubait son nouveau résidant, le Quai d’Orsay apercevait une tête dégarnie, familière du clan Macron : Jean-Noël Barrot. Ce « sciencepiste » diplômé d’HEC a pris les reines du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères à la place de Stéphane Séjourné. Ce dernier, comme tient à l’expliquer son successeur, « deviendra le visage de la France à la Commission Européenne. » Sans un seul regard porté sur sa feuille, ses yeux d’un bleu clair perçant, Jean-Noël Barrot a d’abord félicité le travail de Stéphane Séjourné. Surtout, l’objectif était de définir le rôle primordial de la diplomatie française et les défis qu’il met un point d’honneur à défendre pendant sa prise de fonction : « les défis de la paix, du climat, la démocratie et de la prospérité. »
11h
Encore Retailleau. Sylvie cette fois. Elle accueille Patrick Hetzel à la « rue Descartes, dans ce ministère à qui revient l’une des plus belles missions de la République : repousser toujours plus les frontières de la connaissance, et en garantir la transmission », sourit fièrement la désormais ex-ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Quelques coups de vents ont interrompu le discours de la physicienne de profession et sont venus conclure ses 2 ans et 4 mois de mandat. Une fois que Patrick Hetzel a pris la parole, Sylvie Retailleau acquiescait avec assurance le monologue de l’universitaire sur l’importance de la recherche en France.
11h, également
Toujours à l’école. 7 mois après sa nomination, Nicole Belloubet aura tout juste eu le temps de profiter de la rentrée 2024 avant de devoir laisser sa place à Anne Bonnet et Alexandre Portier, respectivement ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Dans sa veste bleu pâle et avec un large sourire, elle souhaitait alors un séjour plus long que sa devancière pour mettre en place de réelles politiques durables pour les enfants et adolescents du pays.
La veille, dimanche, 18h
À Bercy, Bruno Le Maire trépignait peut-être d’impatience de quitter le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie qu’il occupait depuis sept ans pour avoir organisé la passation de pouvoirs un dimanche. Le rendez-vous pour le jeune Antoine Armand était alors donné à 18h. Pendant son discours, Bruno Le Maire n’a pas manqué de tacler le nouveau ministre sur sa position concernant « certains prélèvements exceptionnels et ciblés ». Le tout en martelant et affirmant que son bilan ministériel ne témoigne « d’aucune augmentation d’impôts », refusant “cette solution de facilité ». Sourire aux lèvres, fier de ses origines basques, Bruno Le Maire conclut en faisant don d’un « Makila » (bâton de berger basque) au nouveau ministre – et au nouveau gouvernement. Selon le nouveau professeur de l’Université de Lausanne, cela lui (leur) permettra de gravir les prochains cols et affronter toutes les difficultés.