Avant-propos : N’étant toujours pas titulaire du permis de conduire, et pour des raisons économiques, j’effectue tous mes trajets en covoiturage via la plateforme BlaBla-car. Lors de ces trajets, je rencontre des automobilistes incroyables et je me suis rendu compte que les témoignages passionnants de ces covoitureurs méritaient d’être partagés.
Bienvenue sur AUTO-PORTRAIT, la série de portraits qui s’arrêtera quand j’aurai enfin le permis.
Septembre 2024 : je rencontre Alexis*, avec qui je fais un BlaBla- car sur la route de Lille. Il se rend exceptionnellement dans le Nord pour faire une soirée avec des amis. Aux détours d’une conversation, je découvre que mon chauffeur est pompier bénévole depuis 4 ans. Un engagement qui lui demande du sang froid, de l’organisation et aussi beaucoup d’humanité.
« C’est moi avec le t‑shirt rouge » : Alexis vient de m’envoyer un message. Je regarde partout autour de moi et j’aperçois un jeune homme adossé à sa voiture. Le macaron « A » collé un peu de travers à sur son pare-brise arrière m’indique que j’ai affaire à un jeune conducteur. Jean bleu, t‑shirt près du corps, cheveux courts, il s’avance vers moi, me salue et met mon sac dans son coffre.
Trouver sa voie sans GPS
Une fois assis dans la voiture, on échange quelques banalités. Agé de 19 ans, mon chauffeur est originaire de Troyes. Il fait désormais un BTS en chimie à Reims. C’est à la suite d’une réorientation qu’Alexis a posé ses valises dans la cité des Sacres : « L’année dernière, j’étais étudiant à l’Université de Lille, mais j’ai arrêté à Noël, ce que j’apprenais ne me plaisait pas du tout ». Le Troyen me confie qu’il se sent enfin épanoui dans ses études depuis qu’il a changé de voie.
Démarre alors une discussion sur la difficulté de choisir ses études après le lycée, la pression des parents et le stress de parcoursup. La conversation s’essouffle après quelques minutes. Je remarque alors un porte clé « jeune sapeur-pompier » accroché à son rétroviseur intérieur.
« Je suis pompier bénévole » me lance alors Alexis, voyant que mes yeux sont fixés sur l’objet.
On discute de son engagement sur l’autoroute
Cela fait déjà 4 ans que l’étudiant en chimie donne de son temps chez les pompiers. A l’heure où la plupart des lycéens valident leur panier sur Nike, scrollent sur Tiktok où fument des puffs, Alexis a appris à maitriser un incendie, faire un massage cardiaque ou encore soigner des blessures. « J’ai passé tous mes samedis à la caserne ! » s’exclame le Troyen, « je garde vraiment de bons souvenirs de ces week ends de formation ».
Il connecte son téléphone au Bluetooth de la voiture et lance une playlist de rap. La musique est très forte. Je bouge ma tête poliment pour valider ses goûts musicaux.
Gêné, il baisse le son dès que les paroles des chansons sont un peu trop vulgaires. Certaines musiques sont virulentes : sang, sexe, drogue. Le soldat du feu à l’air de regretter son choix de playlist… Je trouve ça marrant.
En baissant le son très bas, il en profite pour m’expliquer qu’en tant que pompier volontaire, il doit être disponible plusieurs jours par semaine pour sa caserne. Il peut être appelé à tout moment en cas d’urgence.
Arrivés dans le Pas de Calais : place aux anecdotes marquantes
Les voitures roulent très vite autour de nous et personne ne semblent respecter les limitations de vitesse. Les pneus crissent, on entend des klaxons. Les automobilistes les moins précautionneux ne tardent pas à énerver Alexis. « Les gens ne se rendent pas compte à quel point un accident est vite arrivé ! » s’agace mon chauffeur. « La semaine dernière, je suis intervenu lors d’une collision routière et j’ai dû prendre en charge une petite fille grièvement blessée. » me raconte-t-il avec émotion.
Devenir pompier, c’est aussi assister à des scènes de vie tragiques. Alexis intervient sur les lieux d’un suicide, dans des foyers ou des enfants sont maltraités, chez des personnes qui vivent dans des endroits insalubres. « Il faut être préparé à tout éventualité. » m’explique-t-il.
Faire le plein de maturité
Je profite d’un moment de silence pour inspecter de plus près l’intérieur de la voiture dans laquelle je suis assise depuis une heure et demie. Les sièges sont brillants, aucune trace de poussière sur les tapis. On y sent une odeur de vanille artificielle. Le paquet de chewing- gum est parfaitement aligné avec le levier de vitesse. Je constate que mon chauffeur aime l’ordre et la discipline.
« J’ai beaucoup gagné en maturité en devenant pompier » me lance Alexis le regard droit. « Je sais obéir à des ordres, respecter une hiérarchie, travailler en équipe ».
Il m’explique qu’il était auparavant très timide et réservé : rejoindre une caserne lui a permis de se libérer. Il a aussi bien amélioré son sens de l’observation « : Quand j’entre dans un lieu public, mon premier réflexe est de repérer où sont les issus de secours » m’explique-t-il « Quand on est pompier, la sécurité est notre priorité numéro 1 ! »
Fin du voyage
La voiture se gare au dépose minute devant l’arrêt 4 cantons. Je fais mes adieux à Alexis qui m’apporte fièrement mon sac. L’étudiant était de passage à Lille pour revoir ses anciens colocataires.
En entrant dans le métro, je regarde autour de moi en me demandant où sont les issues de secours. Je réalise que je ne m’étais jamais posée cette question avant… Pourtant, Alexis à raison, la sécurité devrait toujours être la priorité…
*prénom d’emprunt