Chaque année, 120 000 Français sont victimes d’un AVC. À l’occasion de la Journée mondiale de l’AVC ce mercredi et après un rapport de la Cour des comptes pointant d’importantes failles, le Dr Jean Bouchart, neurologue au CHU de Caen, alerte sur une maladie qui peut toucher chacun et sur l’urgence d’agir face aux inégalités.
Pourquoi l’AVC est-il encore aujourd’hui si difficile à prendre en charge ?
Jean Bouchart — L’AVC est une maladie dont la compréhension et la prise en charge est encore récente, avec des progrès thérapeutiques substantiels dans les dix dernières années. Le facteur temps complique tout : longtemps assimilé à l’infarctus, l’AVC a ses spécificités, et ses symptômes, très variés – vertige ou paralysie -, restent souvent méconnus.

Pourquoi la prévention et la reconnaissance des signes restent-elles encore limitées ?
J. B. — Car les campagnes de prévention restent limitées. Beaucoup pensent encore que l’AVC ne touche que les personnes âgées, alors qu’il peut survenir à tout âge. Les signes doivent être connus : paralysie du visage, perte de force dans un bras ou une jambe, difficulté à parler. On les résume avec l’acronyme VITE (ou FAST en anglais) : Visage paralysé, Inertie d’un membre, Trouble de la parole, Extrême urgence à appeler le 15. Ce réflexe, bien ancré dans les pays anglophones, sert à sauver un certain nombre de vies.
Un rapport de la Cour des comptes paru ce mardi évoque des grandes inégalités territoriales. Sont-elles vraiment marquées ?
J. B. — Oui, ces inégalités sont réelles : en Guyane, certains patients doivent être transférés en Martinique pour une thrombectomie, ce qui ajoute plusieurs heures de délai alors que chaque minute compte. En métropole, certains départements manquent d’unités neurovasculaires, alors qu’y hospitaliser un patient réduit son risque de récidive de près de 8 %. Plus globalement, Il faut donc augmenter les capacités d’accueil, fluidifier les parcours – trop de patients restent hospitalisés faute de place en rééducation – et développer les soins ambulatoires pour un suivi sans hospitalisation prolongée.
Les jeunes sont-ils épargnés ?
J. B. — Non, l’AVC peut sur- venir à n’importe quel âge. Il faut connaître les signes et appeler le 15 immédiatement, ne pas attendre ni consulter d’abord son médecin traitant. Chaque minute compte.
Survivre à un AVC à 33 ans : l’histoire de Margot
À 33 ans, Margot Turcat ne se croyait pas concernée par l’AVC, malgré son jeune frère touché par la maladie. « Je me disais que la foudre ne tombe pas deux fois », confie-t-elle. Pourtant, un matin de novembre 2018, elle devient incohérente et incapable de s’expliquer. Son père comprend la gravité et alerte le SAMU, mais le régulateur minimise ses symptômes et le médecin conclut à une migraine. « Je ne dois mon salut qu’à mon père », ajoute-t-elle. Ne pouvant écrire pendant sa rééducation, Margot prend ses crayons pour raconter son histoire à son fils, puis sur Instagram. Contactée par Larousse, elle publie sa première BD sur ses six premiers mois de rééducation, et sa seconde, Ça me prend la tête (1er octobre 2025), relate son retour à la maison. Aujourd’hui patiente experte et formatrice, elle alerte : « 50 % des Français ignorent encore les signes d’un AVC. Chaque minute compte. » Elle est devenue une voix essentielle pour prévenir et sauver des vies.
