« Le meilleur auxiliaire d’un diplomate, c’est bien son cuisinier » (Charles-Maurice de Talleyrand). En France, l’excellence de la gastronomie ne se limite pas aux plaisirs des touristes étrangers. Siècle après siècle, l’art de la table est devenu un pilier incontournable de sa stratégie, permettant de nouer des alliances diplomatiques et d’affirmer son influence à l’international.
L’art de la table n’est pas né de la dernière pluie. Cet art remonte au XVIIe siècle. Sous le règne de Louis XIV, de prestigieux banquets sont préparés dans l’enceinte du célèbre château de Versailles. À cette époque, la gastronomie royale se distingue par l’élaboration de sauces raffinées, la cuisson maîtrisée des viandes et l’importance du service. Lors de ces réceptions, chaque geste des cuisiniers est étudié avec soin. La joaillerie, devenue au fils des années une marque de fabrique de l’excellence industrielle de la nation avec l’essor des manufactures de Sèvres et de Saint-Cloud, permettait à la royauté de faire contempler son pouvoir et sa richesse à ses invités. La disposition des couverts et la mise en scène théâtralisée lors de la présentation des mets, accentués par un nombre impressionnant de service, ont offert ces lettres de noblesses à la cuisine tricolore. Au fur et à mesure, l’expression « l’art de la cuisine et de la table » devient synonyme de raffinement et de culture, et les grands cuisiniers, comme Varenne ou Carême plus tard, imposent la réputation internationale de la gastronomie made in France.
L’art culinaire, un rayonnement exceptionnel qui traverse les conflits
Un événement symbolise l’importance de l’art culinaire dans les relations internationales. En 1961, John Fitzgerald Kennedy est invité avec les honneurs pour un diner d’état au château de Versailles. Dans le décor somptueux de la galerie des glaces, les jeux de lumières féériques et les miroirs resplendissants d’un des monuments les plus visités du monde enchantent les convives. Dans les coulisses, une cuisine avait été même improvisée dans la Cour des Cerfs afin de préparer les repas à proximités des invités. « I am the man who accompanied Jacqueline Kennedy to Paris, and I have enjoyed it. » disait le président américain aux journalistes venus en nombre pour contempler le spectacle. Ce n’est pas un hasard si, lorsque que les jardins du château de Versailles ont été ravagés lors de la tempête Martin en 1999, des millions d’euros ont été envoyés depuis l’Amérique pour aider à sa restauration.
L’Elysée, le fief de la réussite de la négociation bleu blanc rouge
Dans cet même esprit, les dégustations à l’Élysée dépassent largement le cadre festif. Chaque dîner ou déjeuner officiel est un véritable outil de diplomatie, permettant de créer une atmosphère propice à la discussion et à la négociation. La table devient un espace où la France peut mettre en avant son raffinement, son histoire et son patrimoine culinaire, tout en affirmant subtilement son prestige international.

Néanmoins, la gaffe diplomatique n’est jamais très loin. Entre croyances religieuses, interdiction de consommer certains aliments où simple restrictions personnelles, la confection de ces repas nécessitent une minutie précise et une organisation de chaque instant. Dans un article paru sur RTL, l’ancien chef des cuisines de l’Elysée, Guillaume Gomez, témoigne tant des difficultés que du prestige remarquable de servir les plus grandes tables du monde. Dans ces cuisines, il note l’importance du détail dans la préparation de chaque ingrédients où la qualité du service d’un plat peut jouer dans la réalisation d’un traité parfois vital pour les intérêts du pays. « Mon rôle est de promouvoir le terroir français. » (Guillaume Gomez, ancien chef des cuisines de l’Elysée de 1997 à 2021)
L’accueil d’un chef d’État autour d’un repas raffiné et dans un cadre chargé d’histoire, devient alors un moyen de faire passer un message de prestige, de culture et d’excellence bien au-delà des frontières.