Lundi 31 octobre s’est tenue à l’Aéronef de Lille une soirée événement. Le collectif de musique électronique Casual Gabberz était les hôtes d’un festival endiablé !
Le lieu est unique, perché au deuxième étage du bâtiment industriel d’EuraLille. Salle de concerts mythiques, l’Aéronef est paré des couleurs d’un des collectifs le plus connu de la scène techno parisienne. La nuit est claire, des centaines de personnes s’amassent progressivement dans les rangs de sécurité. Pantalons en cuir, lunettes noires, Dr Martens côtoient des clowns ensanglantés, fées aveuglées ou encore des zombies momifiés. Pas de doute, nous sommes la soirée d’Halloween, et la fête risque de battre son plein. La line up est intense, six heures de musique au programme, les artistes ont une heure chacun pour faire leurs preuves auprès d’un public impatient. Animé par les DJs Krampf et Club Kelly, il est vingt-deux heures lorsque les basses retentissent.
Une première partie 100% régionale
Montent sur scène l’artiste calaisien Tep en compétition avec Boe Strummer. Le ton est donné, les sons mixés installent une ambiance effrénée. Progressivement la salle se remplit, ainsi que la tribune au second étage. Un perchoir qui permet d’admirer pleinement la scène, dont la direction artistique réfléchie parle d’elle-même. Un simple mur noir où un écran blanc composé de briques blanches entassées reflètent les images répétitives de rushs saccadés. L’allégorie d’un monde en perdition qui se répète dans ses erreurs. Les briques blanches, représentation de la destruction, symbolisent l’espoir, appelant au renouveau. Le duo Shetlameï prend la suite du concert, en l’espace de dix minutes il imprime son identité musicale face à un public ardent. Avec une musique plus condensée, l’artiste lillois augmente la pression d’un cran supérieur. De plus en plus de danseurs se massent au sein de cette salle carrée, impatient d’écouter la suite du concert.
Casual Gabberz face au gabber italien
Lorsque l’heure du crime retentit, une foule en délire voit s’installer pour un B2b Paul Seul et Von Bikräv. Membre du collectif, les deux artistes n’ont plus de renommée à se faire. Leur communauté est présente ce soir, et s’apprête à danser sur leur affrontement sonore. L’exécution musicale est plus hachée, un style édulcoré concentré essentiellement sur le son, sa distorsion et sa résonance. Des titres populaires comme “Fuck le 17”, ou le remix du groupe Ascendant vierge « Faire et Refaire”, introduisent l’ambiance. Casual Gabberz par son empreinte impose leur style au sein du public. Dans une exécution minutieuse, les deux artistes passent l’heure à s’affronter, innovant en permanence sur les références musicales remixées, piochant même dans les tendances Tik Tok du moment. Ils laissent la place à l’italien Mad Dog. Producteur et disc jockey de techno hardcore et gabber italien, il est depuis 2016 connu de la scène techno internationale notamment via son label Dogfight Records. Il introduit son univers en reprenant des sons de son dernier album Atmosphère sorti en 2020. Et il est bien question de parler d’atmosphère. Dans le pur style gabber, l’artiste italien parvient à réinventer le genre grâce à des sonorités connues de l’univers hardcore. Permettant de faire la transition avec la révélation de ce festival.
Révélation sonore : en un mot Yoshiko
Quatre heures après le début du concert, une jeune femme brune coiffée de deux couettes longues s’avance silencieusement sur scène. Le premier son retentit tel une claque, effaçant la fatigue sommaire de l’auditoire. Yoshiko est son nom d’artiste. D’origine italienne, brésilienne et japonaise, elle est pourtant une artiste du Hardcore néerlandais. C’est à la fin de ses études qu’elle décide de s’installer aux Pays-Bas et de se consacrer exclusivement à la musique. Elle arrive à se faire une place au sein de ce milieu difficile d’accès. Et s’impose avant le covid comme l’une des figures de la techno hollandaise. Elle a prouvé lors de cette soirée l’étendue de son talent et de la qualité musicale de son travail. À la fois brutale et pure, elle use aussi de mélodie et de sonorité fines et recherchées donnant un mélange acidulé. C’est par cette acidité que se révèle la puissance de son son renversant les codes, usant des techniques hardcore pour dépasser le genre. Elle module le style gabber pour le rendre plus accessible et surtout plus authentique. Son rythme permet de préparer la scène pour le clou final, Claude Murder.
Membre actif du collectif, Claude Murder s’emploie pour cette dernière heure à transmettre le plus d’énergie possible au public. Enchaînant les sons, il atteint la frénésie du mixe, ce moment que seul Casual Gabberz est capable de produire. Une demi-heure avant la fin de son set, un groupe de personnes arrive à se faufiler sous la scène et monter sur les planches pour danser à côté des artistes de la soirée (DJs, photographes et managers). Dans une communion artistique, disc jockey et le public ne font plus qu’un. Les sons de plus en plus saccadés annoncent l’apothéose du moment. L’heure fatale est arrivée, il est quatre heures, le rêve doit se finir. Même si le public demande une dernière chanson avant de partir, le temps doit reprendre son cours et passer. En attendant de nouveau sa suspension lors de la prochaine venue du collectif sur Lille.