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    Les sports méca­niques face aux enjeux éco­lo­giques : entre tradition et transition

    Alors que la Formule 1 s’apprête à tourner une page majeure de son histoire en 2026 avec le passage à 100% au bio­car­bu­rant et une puissance élec­trique multiplié, le sport auto­mo­bile tout entier cherche un équilibre fragile : rester fidèle à son ADN de per­for­mance et de spectacle, tout en répondant aux exigences éco­lo­giques
    d’une époque en mutation.

    Du rugis­se­ment du V10 au murmure de l’hybride

    Depuis 1950, la Formule 1 est l’un des terrains d’expérimentation tech­no­lo­gique les plus exigeants du monde. Des premiers moteurs atmo­sphé­riques de 4,5 litres à la sur­ali­men­ta­tion explosive des années 1980, chaque décennie a imposé sa révo­lu­tion. En 1977, Renault inventait l’ère du turbo et faisait grimper la puissance des mono­places au-​delà des 1 000 chevaux. En 2006, le V8 stan­dar­disé marquait la fin d’une époque. Puis vint 2014, et avec elle un chan­ge­ment de paradigme : l’introduction du moteur hybride V6 turbo de 1,6 litre. Moins bruyant, plus complexe, mais infi­ni­ment plus efficace.

    « Depuis vingt ans, les F1 sont passées du V10 au V6 hybride, dictées par les régle­men­ta­tions », rappelle Hugh Chatre, ingénieur per­for­mance chez Dams (Formule 2). « Ces tech­no­lo­gies sont essen­tielles. Le sport auto­mo­bile a toujours été un moteur d’innovation pour l’industrie et les trans­ports. » L’adaptation ne fut pas immédiate. Coûts astro­no­miques, problèmes de fiabilité et désamour d’une partie du public, nos­tal­giques du rugis­se­ment des V10. Arnaud Rakoto, jour­na­liste à Canal+, le reconnaît : « L’hybride a connu des débuts dif­fi­ciles et coûteux, mais comme toutes les tech­no­lo­gies, il s’est bonifié avec le temps. » La FIA a travaillé sur la sonorité pour récon­ci­lier per­for­mance et émotion.

    La Ferrari F10 de l’année 2010 est exposée à Amsterdam sous le regard du « com­man­da­tore ». © Bastien Fanton d’Andon

    Depuis 2016, les échap­pe­ments ont été modifiés afin d’amplifier le son, et en 2028, un retour à un V10 atmo­sphé­rique alimenté au biofuel est même envisagé. Une manière, selon Frédéric Ferret (L’Équipe), « de renouer avec l’ADN du sport sans renier les exigences éco­lo­giques. »

    L’hybride, moteur d’une nouvelle génération

    L’arrivée de l’hybride n’a pas seulement trans­formé les voitures : elle a changé le public. Désormais, près de 50 % des fans de F1 ont entre 18 et 24 ans, selon une enquête réalisée auprès de jeunes sup­por­ters. Beaucoup d’entre eux n’ont jamais connu la F1 purement « thermique ».

    Circuit de Monaco : une Alpine rentre aux stand. © Bastien Fanton d’Andon

    Ces nouveaux spec­ta­teurs, élevés à l’ère de « Drive to Survive* » et des réseaux sociaux, sont à la fois sensibles à la cause éco­lo­gique et friands de spectacle. « Les jeunes fans sont curieux de tech­no­lo­gie, ils com­prennent les termes spé­ci­fiques comme le système de réduction de la traînée (en anglais Drag Reduction System ou DRS), la récu­pé­ra­tion d’énergie, le biofuel », observe Frédéric Ferret. Salomé Heilbronner, étudiante en mastère Motorsport Engineering Performance, renchérit : « Les sports méca­niques devien­dront plus attrayants pour une nouvelle com­mu­nauté sensible aux enjeux envi­ron­ne­men­taux. Mais beaucoup restent attachés aux pilotes et aux équipes. » Le défi est donc double : séduire cette géné­ra­tion exigeante sans perdre le public his­to­rique, fidèle depuis les années 1980. « Il y a une partie du public qui restera attachée au rendez-​vous du dimanche, mais les jeunes veulent essen­tiel­le­ment de l’émotion immédiate avec des dépas­se­ments, des accidents, des safety-​car, la pluie », estime Arnaud Rakoto. Pour cela, la F1 expé­ri­mente de nouveaux formats : courses sprint, contenus immersifs, com­mu­ni­ca­tion numérique, tout en ren­for­çant son discours écologique.

    La face cachée du carbone : quand la logis­tique pèse plus que la course

    Si une F1 ne peut brûler plus de 110 kilos d’essence par Grand Prix, soit environ 149 litres, le vrai problème ne se joue pas sur la piste. Les courses elles-​mêmes ne repré­sentent que 1 % des émissions carbones totales de la dis­ci­pline. Le reste provient des dépla­ce­ments inces­sants de matériel et de personnel. En 2019, la F1 a généré plus de 250 000 tonnes de CO₂, dont 230 000 tonnes liées aux transports.

    La flotte des camions de transport des écuries est soi­gneu­se­ment parquée en attendant la fin de la course. ©Pixabay /​gregor

    Chaque écurie déplace plus de 30 tonnes de matériel et une soixan­taine de personnes tout autour du globe dans un calen­drier de plus en plus chargé : 23 Grands Prix en 2025, un record. « Transporter vingt camions par écurie et prendre l’avion chaque semaine reste pro­blé­ma­tique », admet Frédéric Ferret, tout en saluant les efforts entrepris. En 2024, la F1 publiait son rapport d’impact 2023 : les émissions totales sont tombées à 223 000 tonnes de CO₂, soit une baisse de 13 % depuis 2018. L’objectif est clair : neu­tra­lité carbone en 2030. Pour y parvenir, la FIA a revu la logis­tique : regrou­pe­ment des courses par continent, limi­ta­tion des vols, uti­li­sa­tion de car­bu­rants durables pour le fret aérien. DHL, trans­por­teur officiel, a investi dans des avions fonc­tion­nant par­tiel­le­ment au biofuel. « Les efforts sont réels », souligne Arnaud Rakoto. « Être fan de sport auto et soucieux de l’environnement n’est plus incom­pa­tible », précise le journaliste.

    La compagnie de fret aérien DLH est le trans­por­teur officiel de la F1. ©Pixabay /​bila­lel­daou

    2026, l’année du grand virage

    La saison 2026 s’annonce comme un nouveau tournant tech­no­lo­gique. Les futures unités de puissance, déjà en test chez Red Bull Powertrains et Mercedes HPP, fonc­tion­ne­ront à 100 % au carburant durable. Ce biofuel, conçu à partir de déchets agricoles, d’algues et de résidus non ali­men­taires, sera produit par Aramco et Shell. Les moteurs hybrides conser­ve­ront leur archi­tec­ture V6 1,6 litre, mais le système élec­trique (MGU‑K) sera trois fois plus puissant, attei­gnant 350 kW/​h. Le MGU‑H, jugé trop complexe et coûteux, sera supprimé. L’objectif est donc de réduire de moitié la consom­ma­tion d’essence (70 kilos contre 110 actuel­le­ment), tout en main­te­nant des per­for­mances équi­va­lentes. Selon Mathilde Boittiaux (Art GP), cette évolution « s’inscrit dans la logique du sport, à savoir faire plus avec moins. L’hybridation a toujours cherché à optimiser la puissance tout en allégeant la structure. » Les moteurs 2026 visent une puissance supé­rieure aux 1 000 chevaux selon les nouvelles normes, combinée à l’usage de car­bu­rants 100 % durables. 

    Entre écologie et image de marque : les sponsors à la manœuvre

    La tran­si­tion éco­lo­gique du sport auto­mo­bile ne se joue pas uni­que­ment sur la piste. Elle influence direc­te­ment le marketing et les par­te­na­riats. Les marques ne veulent plus être associées à une image de pollueur. « Les sponsors cherchent à s’aligner sur les tendances envi­ron­ne­men­tales pour préserver leur image », analyse Salomé Heilbronner.

    Shell fait partie des sponsors majeurs de l’écurie Ferrari. ©Pixabay /​Lee Chandler

    Ainsi, Mercedes s’appuie sur son par­te­na­riat avec INEOS pour déve­lop­per des car­bu­rants propres et atteindre la neu­tra­lité carbone d’ici 2026. Ferrari et Shell expé­ri­mentent depuis 2023 un biofuel à base de com­po­sants recyclés, déjà testé à Fiorano. McLaren, avec Siemens, mise sur la concep­tion éco-​industrielle : résines recyclées, fibres natu­relles, fabri­ca­tion allégée. « La tech­no­lo­gie déve­lop­pée en F1 finit toujours par profiter à la pro­duc­tion auto­mo­bile », rappelle Frédéric Ferret. « Le turbo, hier, est devenu standard. Demain, les systèmes de récu­pé­ra­tion d’énergie comme le MGU‑K seront intégrés aux véhicules de série. » Cette pas­se­relle entre circuit et route civile justifie les inves­tis­se­ments massifs des construc­teurs. La F1 reste un labo­ra­toire d’innovation grandeur nature, un champ d’expérimentation dont les bénéfices dépassent le simple cadre sportif.

    Faut-​il sauver le moteur thermique ?

    Alors que la FIA prépare déjà la régle­men­ta­tion post-​2028, le débat s’intensifie : faut-​il pour­suivre sur la voie hybride, ou revenir au thermique ? « La F1 et la FIA ne savent pas encore quelle direction prendre », admet Frédéric Ferret. « Les inves­tis­seurs comme Aramco pèsent lourd dans la décision. » Le retour d’un moteur V10 atmo­sphé­rique alimenté au biofuel reste une hypothèse crédible. Certains construc­teurs, à l’image de Ferrari, y sont favo­rables. D’autres, comme Mercedes ou Audi, préfèrent pour­suivre le déve­lop­pe­ment hybride. Maximilien Menu, pilote en Ligier JS Cup France, tranche : « Les sports méca­niques n’en ont pas fini avec le thermique. L’hybride restera présent, mais les car­bu­rants durables offrent un avenir plus crédible que le tout-​électrique. » Cette position rejoint la tendance observée dans d’autres cham­pion­nats. En BTCC, la catégorie bri­tan­nique de tourisme, les moteurs hybrides ont cédé la place à des blocs ther­miques alimentés par des bio­car­bu­rants durables. Une voie médiane que la F1 pourrait bien suivre.

    Les coulisses de la tran­si­tion : coût humain, défis indus­triels et limites du durable

    Derrière l’innovation se cache une remise à plat de toute la chaîne indus­trielle. Les écuries repensent leurs méthodes de fabri­ca­tion, leurs matériaux et même leur orga­ni­sa­tion interne. Chez McLaren, un programme interne permet désormais de recycler les chutes de fibre de carbone afin de créer des pièces non-​structurelles. Mercedes, à Brackley, a réduit de 30 % la consom­ma­tion éner­gé­tique de ses ateliers grâce à un système de récu­pé­ra­tion de chaleur et à un réseau solaire interne. Alpine a repensé ses méthodes de pro­to­ty­page en utilisant plus sys­té­ma­ti­que­ment l’impression 3D, limitant ainsi les déchets.

    Une Ferrari en piste à Monaco. ©Bastien Fanton d’Andon

    Cette tran­si­tion a cependant un impact humain. Avec la dis­pa­ri­tion pro­gram­mée du MGU‑H en 2026, de nombreux ingé­nieurs se voient contraints de se former à d’autres exper­tises. « Même pour nous, ingé­nieurs, la tran­si­tion est un défi », confie Hugh Chatre. « On doit apprendre à maîtriser des domaines qui n’existaient pas il y a dix ans. » Autre enjeu souvent occulté : la fabri­ca­tion du bio­car­bu­rant. Si l’idée d’utiliser des déchets agricoles ou des algues est sédui­sante, la chaîne logis­tique reste éner­gi­vore : collecte, raffinage spé­cia­lisé, transport. Le carburant durable est donc moins polluant, mais pas tota­le­ment neutre. Frédéric Ferret résume par­fai­te­ment ce paradoxe : « La F1 devient plus durable, oui. Mais durable ne veut pas dire moins cher ni plus simple. »

    Des circuits plus verts… mais encore loin du compte

    Les circuits, longtemps oubliés dans le débat, entament eux aussi leur révo­lu­tion. Silverstone a déployé une ferme solaire de 4 000 panneaux. Zandvoort, pionnier de la mobilité douce, a réussi à faire venir 40 % de ses spec­ta­teurs en vélo ou en train. Mais derrière ces avancées, les critiques per­sistent. « On ne peut pas se contenter de trois panneaux solaires derrière un paddock et prétendre qu’on a réglé le problème », glisse le jour­na­liste de l’Equipe. Les courses nocturnes, notamment au Qatar ou en Arabie Saoudite, sont régu­liè­re­ment pointées du doigt pour leur consom­ma­tion éner­gé­tique colossale. La tran­si­tion éco­lo­gique des circuits progresse, mais à un rythme encore inégal, souvent limité par des enjeux finan­ciers ou politiques.

    Un sport en quête d’équilibre

    À l’automne 2025, la Formule 1 est entrée dans une phase décisive de sa tran­si­tion éner­gé­tique. Les équipes mul­ti­plient les essais sur banc des futurs moteurs de 2026 à carburant durable, dont l’introduction offi­cielle aura lieu la saison prochaine. La FIA a confirmé que la nouvelle régle­men­ta­tion bio­car­bu­rant à 100 %, puissance élec­trique triplée et sup­pres­sion du MGU‑H est désormais « figée » après deux ans de concer­ta­tion technique. La F1 se trouve aujourd’hui à un carrefour. Elle doit à la fois conserver sa magie, son bruit, sa vitesse, ses rivalités, et assumer plei­ne­ment son virage éco­lo­gique. Les sondages vont dans ce sens : 81 % des fans se disent favo­rables à la poursuite des efforts envi­ron­ne­men­taux, mais 68 % refusent de « sacrifier le spectacle ». « Le spectacle est l’élément majeur », rappelle Mathilde Boittiaux. « Il faut garder l’émotion tout en évoluant vers des formats durables. » L’hybridation semble aujourd’hui la voie la plus équi­li­brée. « Elle préserve la culture mécanique tout en répondant aux exigences envi­ron­ne­men­tales », conclut Frédéric Ferret. Entre tradition et inno­va­tion, la F1 continue de jouer les équi­li­bristes, consciente que son avenir dépendra de sa capacité à conjuguer passion, per­for­mance et res­pon­sa­bi­lité. Le moteur du futur n’est pas seulement une question de puissance : c’est un enjeu d’identité.

    * Une série docu­men­taire diffusée sur Netflix.

    Le futur de la F1 en chiffre

    • 100% : part de biofuel durable prévue pour 2026
    • 350 km : puissance élec­trique du MGU‑K (x3 par rapport à 2022)
    • 70 kilos : quantité maximale d’essence utilisée par course
    • 223 000 tonnes de CO₂ émises en 2023 (-13% depuis 2018)
    • Objectif : neu­tra­lité carbone d’ici 2030

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