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    Luxembourg : quand les drogues dures s’in­vitent dans le quartier de la Gare

    En 2017, le Luxembourg était considéré comme le pays le plus sûr au monde. Cependant, cette époque semble révolue et s’éloigne à petit pas, laissant place à l’in­sé­cu­rité, notamment dans le quartier de la Gare au coeur de la capitale.

    Les chiffres de la délin­quance pour l’année 2022, selon la Police grand-​ducale, sont pour le moins alarmants. Le nombre d’in­frac­tions saisies a augmenté de 27% par rapport à 2021. Une hausse signi­fi­ca­tive qui s’observe pour tous les types de délin­quance, tant contre les biens que contre les personnes. En effet, les atteintes aux biens repré­sentent 66% des infrac­tions saisies en 2022, et le vol simple est le type d’in­frac­tion le plus fréquent, avec une hausse de 48% par rapport à 2021.

    Les cam­brio­lages sont également en hausse, avec 700 affaires sup­plé­men­taires consta­tées dans des maisons habitées. Les vols avec violences et les vols liés aux véhicules sont également en aug­men­ta­tion, res­pec­ti­ve­ment de 18% et 14%. Les atteintes aux personnes repré­sentent quant à elles 17% des infrac­tions enre­gis­trées en 2022. Les escro­que­ries et trom­pe­ries ont dras­ti­que­ment crû avec une hausse de 2390 cas par rapport à 2021. Les coups et blessures flambent également passant de 2967 à 3339 affaires. Les homicides ont été mul­ti­pliés par trois, passant de 3 à 9.

    Portrait-​robot du toxi­co­mane : un homme de 37 ans

    Si le vol demeure l’infraction la plus commune, celles concer­nant la drogue pro­gressent à vitesse grand V. Selon un rapport du ministère de la Santé, paru en 2021, le nombre de personnes consi­dé­rées comme exposées est resté rela­ti­ve­ment stable ces dernières années, autour de 2100. 

    Cependant, le rapport a également constaté que la consom­ma­tion de cocaïne et d’autres drogues syn­thé­tiques est en forte aug­men­ta­tion. Pour la cocaïne, elle a augmenté de 11,4 % entre 2018 et 2021. Côté héroïne, elle a augmenté de 2,2% lors de la même période. Un problème par­ti­cu­liè­re­ment pré­oc­cu­pant, puisque cette drogue est associée à un risque accru de dépen­dance, de toxi­co­ma­nie et de décès. 

    Si l’on devait dresser un profil type du consom­ma­teur, ce serait celui d’un homme luxem­bour­geois âgé de 37 ans, selon les services de Police grand-ducale.

    En regardant les dernières sta­tis­tiques relatives à la délin­quance pour l’année 2022, les arres­ta­tions en lien avec la lutte contre les stu­pé­fiants ont augmenté de 27,98% en un an.

    Du côté de la justice, on remarque aussi que les tribunaux n’ont pas chômé. Selon le parquet de Luxembourg, la justice a ouvert 1 802 affaires en 2022 en matière de stu­pé­fiants et elles ont débouché sur 194 condam­na­tions. Pour avoir une vue plus globale, notons qu’en 2022, le parquet de Luxembourg a traité au total 57 610 affaires. Autrement dit, les affaires de stu­pé­fiants repré­sen­taient 3,1% des affaires du parquet. Une aug­men­ta­tion de la cri­mi­na­lité qui inquiète un grande nombre d’habitants qui vivent dans un climat d’in­sé­cu­rité grandissante.

    Un ras-​le-​bol général

    « Je suis mère de deux enfants. Je vis dans le quartier Gare depuis 10 ans. Je suis très inquiète pour la sécurité de mes enfants. Je ne veux pas qu’ils gran­dissent dans un quartier où la drogue et la pros­ti­tu­tion sont omni­pré­sentes. Je vois souvent des toxi­co­manes se droguer en public, des pros­ti­tuées racoler des clients. Je refuse que mes enfants soient témoins de ces scènes ou pire, qu’ils en soient victimes », explique Lara.

    Ce témoi­gnage n’en est qu’un parmi tant d’autres. L’entièreté des habitants est touchée et inquiète par l’am­biance qui règne aux alentours de la Gare. « Je possède un magasin dans le quartier depuis 5 ans. La situation a un impact négatif sur mon activité com­mer­ciale. Les clients ne veulent plus venir et mes ventes ont diminué. Je suis obligé de payer des frais de sécurité pour protéger mon magasin. Je pense que les autorités doivent rapi­de­ment prendre des mesures concrètes pour améliorer la sécurité dans le quartier », explique Jérémy. 

    Face a cette situation, une mani­fes­ta­tion a eu lieu le 23 septembre dernier dans le quartier de la Gare de la capitale. Cette ini­tia­tive, lancée par plus de 300 résidents dans un groupe Whatsapp, visait à dénoncer la situation d’insécurité.

    Les mani­fes­tants ont défilé en bran­dis­sant des pancartes et en scandant des slogans. Ils ont dénoncé la présence de seringues, de vomi, de personnes sous emprise et de déjec­tions dans les rues, les parcs et les jardins du quartier. Ils ont également appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures pour améliorer la situation. Selon les forces de l’ordre, environ 600 personnes ont participé à la marche.

    « Il faut une approche mul­ti­di­men­sion­nelle »

    La situation dans le quartier de la Gare de Luxembourg s’ex­plique par plusieurs facteurs, notamment la présence de nombreux dealers et consom­ma­teurs de drogue à proximité de la frontière avec la France et la Belgique, et la présence de personnes vul­né­rables, comme les sans-​abris ou les personnes en situation de précarité. Malgré les plaintes des résidents, la police luxem­bour­geoise assure renforcer sa présence dans le quartier de la Gare, en par­ti­cu­lier la nuit. Elle mène également des opé­ra­tions de contrôle régu­lières. Par ailleurs, le gou­ver­ne­ment travaille à la décen­tra­li­sa­tion des struc­tures sociales qui sont concen­trées dans le quartier.

    « Ces mesures sont un début, mais elles ne suffiront pas à résoudre le problème à elles seules », analyse Pierre Schmitz, un policier du com­mis­sa­riat de la Gare. « Il est important de mettre en place une approche, qui combine des mesures de répres­sion mais aussi de pré­ven­tion et d’ac­com­pa­gne­ment social.» Sur le ren­for­ce­ment des moyens, il précise que la police luxem­bour­geoise a déjà augmenté ses effectifs de 10% en 2022. Cependant, il explique que d’autres mesures sont envi­sa­geables comme la mise en place d’un système de patrouilles plus intensif.

    Pour la pré­ven­tion de la délin­quance, Pierre Schmitz souligne qu’il est important de cibler les jeunes, qui sont la popu­la­tion la plus à risque. Cela peut se faire par le biais de pro­grammes éducatifs et de loisirs, ou de sen­si­bi­li­sa­tion aux risques de la délin­quance et de pro­grammes de réin­ser­tion sociale. Il estime également que la meilleure coor­di­na­tion des acteurs de la sécurité est essen­tielle. Cela implique une col­la­bo­ra­tion étroite entre la police, la justice et les services sociaux.

    « La lutte contre la hausse de la délin­quance est un défi nouveau et compliqué qui nécessite une approche mul­ti­di­men­sion­nelle », conclut le policier. « Il n’existe pas de solution miracle, mais la com­bi­nai­son de plusieurs mesures et d’un peu de patience permettra, j’en suis sûr, aux citoyens luxem­bour­geois de retrouver leur sécurité.»

    Une aide essentielle

    Caritas Luxembourg, une asso­cia­tion qui œuvre pour la soli­da­rité et l’in­clu­sion sociale, joue un rôle important dans la lutte contre ces problèmes. « Nous sommes très pré­oc­cu­pés par la situation dans le quartier Gare », explique Bérengère Klein, une bénévole de l’association. « La drogue, la pros­ti­tu­tion et la violence sont de plus en plus présentes et cela a un impact négatif sur la sécurité des habitants, la qualité de vie et l’ac­ti­vité éco­no­mique du quartier. » 

    Pour répondre à ces défis, Caritas Luxembourg inter­vient à dif­fé­rents niveaux. L’association propose des services d’aide et d’ac­com­pa­gne­ment, notamment, des héber­ge­ments et une res­tau­ra­tion pour les personnes sans-​abri. Un accom­pa­gne­ment social pour les personnes en situation de précarité ou un programme de pré­ven­tion de la toxi­co­ma­nie. Elle travaille également en accord avec la police pour lutter et contre la violence. « Le manque de res­sources est une grande dif­fi­culté », témoigne Bérengère Klein. « Nous avons besoin de plus de finan­ce­ments pour pouvoir répondre aux besoins crois­sants des personnes qui sont touchées par ces problèmes.»

    Caritas Luxembourg espère que le nouveaux gou­ver­ne­ment prendra des mesures fortes pour améliorer la situation dans le quartier Gare. « Nous sommes prêts à tra­vailler avec les autorités publiques pour trouver des solutions durables », conclut la bénévole avec le sourire. « Nous sommes convain­cus qu’ensemble, nous pouvons faire une dif­fé­rence.»

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