Le 3 novembre 2025, la série Des vivants était diffusée en France, sur France 2. Elle retrace la reconstruction des otages du Bataclan, du jour de l’attentat jusqu’au procès, qui s’est tenu entre septembre 2021 et juin 2022.
L’œuvre se concentre sur le processus de résilience des victimes, qui ont vécu l’horreur pendant 2h20, ce soir de novembre 2015. Dix ans après les événements, la diffusion de cette série, tournée en collaboration avec les véritables rescapés, commémore le terrible anniversaire. Elle pose, par la même occasion, la question du comment se remettre à vivre après un évènement traumatique d’une telle ampleur.
Le poids du traumatisme collectif
Selon la psychologue Olivia Trachard, les souvenirs liés à un choc extrême s’inscrivent durablement dans la mémoire. « Les événements très chargés émotionnellement activent une partie du cerveau, l’amygdale, et consolident la mémoire. Les sensations, les images et les émotions restent vives parce que le cerveau les identifie comme importantes pour la survie », explique-t-elle. C’est pourquoi, dix ans après les attentats, les témoins de la tragédie continuent d’en ressentir les effets sournois. Et comme la mémoire des personnes, la mémoire collective du pays a été marquée au fer rouge par ces évènements. Oui, les attentats du 13 novembre 2015 sont un traumatisme partagé. Et vivre un drame « ensemble » modifie nécessairement la manière de se reconstruire par la suite. « Le fait qu’il y ait un cadre collectif, à travers un soutien social et des commémorations par exemple, peut protéger et aider à normaliser les réactions. Mais ce cadre peut aussi imposer des attentes, donc l’accès à des professionnels reste décisif », éclaircit Mme Trachard.

Transformer la douleur en transmission
Ce travail de reconstruction s’étale dans le temps. Le deuil collectif permet la reconnaissance des faits, mais ne suffit pas toujours. Certaines personnes continuent de vivre avec des symptômes persistants, pour d’autres, la parole publique et les évènements commémoratifs représentent une étape importante dans le processus de résilience. Les œuvres comme la série Des vivants s’inscrivent dans cette continuité. Elles peuvent servir de médiation et d’outil de compréhension, voire d’apaisement. La psychologue précise : « Ces œuvres mettent des mots sur ce qui peut être difficile à nommer et ouvrent le dialogue. Mais tout peut différer d’un individu à l’autre. Pour certains, les œuvres comme Des vivants aident à la compréhension et à la résilience. Mais pour d’autres, elles réactivent simplement la souffrance. Il faut que chacun se sente libre de s’exposer, ou non, à ce type d’œuvre. » La série, en donnant voix aux survivants, tente de transformer la douleur en mémoire et agit comme un transmetteur. Le devoir de mémoire s’applique aussi à des évènements dont la gravité marque la société, comme ces attentats. Dix ans ont passé. Une génération entière a grandi avec ces images et les garde en tête. Ceux qui étaient enfants ou adolescents en 2015 en conservent parfois une trace diffuse. « Même les personnes exposées indirectement, via les médias ou les récits, peuvent conserver un sentiment d’insécurité. Ces émotions imprègnent la société toute entière », affirme Mme Trachard. Des vivants ne se contente donc pas de raconter la douleur. La série rappelle qu’au-delà du traumatisme, la mémoire a un rôle et peut devenir un lien, une manière de continuer à vivre ensemble, malgré les blessures du souvenir.