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    « Mon entre­prise, c’est toute ma vie » : Danna révo­lu­tionne l’univers de la lingerie

    À 24 ans, Danna Taguia, a lancé sa marque dans l’objectif de révo­lu­tion­ner l’univers de la lingerie. La jeune entre­pre­neuse a dévoilé sa première col­lec­tion, le 20 février dernier.

    Comment décririez-​vous Line Paris en 3 mots ?

    Safe place, pétillant et joie. Line Paris est une marque pour les femmes qui ont une poitrine généreuse. J’avais ce mal-​être personnel de ne pas trouver de lingerie à ma taille, qui m’allait bien et qui était jolie. Je voulais créer une marque qui rassemble toutes ces femmes qui ont la même pro­blé­ma­tique que moi.

    Quelle est votre offre ?

    Je propose des soutiens-​gorges, du bonnet D au bonnet G. En tour de dos, du 85 au 95. C’est un choix stra­té­gique de ma part. Je cible celles qui ont le plus de mal à trouver de la lingerie à leurs tailles : forte poitrine et petit tour de dos. Pour la première col­lec­tion, j’ai décidé de faire des soutiens-​gorges qui sont sans armature. On n’en trouve pas sur le marché. Souvent, les bralettes sont pour les petits bonnets. Je voulais donc proposer une lingerie confor­table et dans laquelle on se sent bien. L’armature peut souvent faire mal, parce qu’elle remonte trop haut et rentre soit dans la poitrine, soit entre les seins. J’ai la chance d’avoir un four­nis­seur qui possède de super tissus et de beaux coloris. Je cible les personnes âgées entre 15 et 30 ans.

    Ensembles de la col­lec­tion ©Line Paris

    Quels sont vos prix ?

    L’ensemble est à 75 euros : 55 euros le haut et 20 euros le bas. Chez mes concur­rents, le haut s’élève à une centaine d’euros, pour la même taille et une qualité équi­va­lente. Mes tissus sont européens et prin­ci­pa­le­ment italien et espagnol. Du côté des broderies, elles sont produites dans le nord de la France, au sein de la société Leveaux. L’usine est en Tunisie et a un énorme savoir-​faire sur la lingerie. Je suis ravie des produits que je propose.

    Comment vous positionnez-​vous vis-​à-​vis de la concurrence ?

    Il existe d’autres marques de lingerie, comme Chantel ou Aubade qui proposent parfois jusqu’au bonnet H. Seulement, ce sont des modèles très vieillots et qui sont très chers. Je me démarque par le prix, la coupe du soutien-​gorge et les coloris. C’était hors de question que j’ai un modèle noir ou blanc.

    Line Paris est née alors que vous étiez en deuxième année de master. Vos études vous ont-​elles aidées à entreprendre ?

    Mes études m’ont aidé, c’est certain ! Après un bac ES, j’ai fait un DUT technique de com­mer­cia­li­sa­tion à Meaux. J’ai alors étudié la technique de vente, le marketing, l’économie et un peu de com­mu­ni­ca­tion. Je suis ensuite entrée en licence éco-​gestion, parcours Management Commercial et de la Relation Client à l’IAE Gustave Eiffel. Par ailleurs, j’étais en alter­nance chez Orange. Je me chargeais prin­ci­pa­le­ment d’analyser les verbatims et les retours des clients. J’ai terminé mon parcours scolaire avec un master Marketing et Management des services. J’étais également apprentie chef de produit junior à l’Ucap, une centrale d’achat. Avoir eu de l’expérience dans le commerce m’aide pour Line Paris aujourd’hui.

    Comment la marque est-​elle née ?

    J’ai eu ma puberté en quatrième, à l’âge de 13 – 14 ans. J’ai alors pris six bonnets en trois ans. J’ai vu mon corps changer et c’était difficile de m’accepter. J’ai eu la chance d’être accom­pa­gnée par ma mère dans les marques de lingerie de luxe. J’ai donc eu des sous-​vêtements à ma taille, mais c’était laid ! Les marques s’adressaient à des tranches d’âge assez mûres. Je portais clai­re­ment des « trucs de mamie », toujours le même coloris. À 15 ans, je voulais abso­lu­ment un ensemble rose. Je ne l’ai jamais eu parce que je ne trouvais pas ma taille dans les boutiques de sous-​vêtements « clas­siques ». Je ne compte plus les fois où j’ai pleuré en cabine, lorsque je devais passer à un bonnet au-​dessus. C’était également un complexe au lycée, les garçons me le faisaient remarquer. J’ai eu le déclic lorsque ma sœur Line est rentrée au lycée. Nous avons 5 ans d’écart. Elle me demandait mes anciens soutiens-​gorges pour ses copines, qui n’avaient pas le budget pour s’en procurer. C’est plus de 100 euros le soutien-​gorge. Je me suis alors posé cette question : comment est-​ce possible que le marché n’ait pas évolué en 5 ans ? J’ai toujours voulu entre­prendre. Line Paris est alors née. La marque porte le prénom de ma sœur, parce que c’est elle qui m’a donné le feu vert et la moti­va­tion pour me lancer.

    Quelles dif­fi­cul­tés avez-​vous ren­con­trées au lancement de la marque ?

    Ma première dif­fi­culté a été de trouver un pres­ta­taire pour m’aider à imaginer la col­lec­tion et ainsi parler le « langage de la mode » avec le fabri­quant. C’était difficile de perdre la main sur certains aspects de la création, parce que je ne suis pas modéliste. Je devais donc trouver une styliste motivée par mon projet. Mon entre­prise, c’est toute ma vie, mais pas pour les pres­ta­taires. Autre point noir : l’usine. C’est très compliqué lorsque tu es une jeune marque. Au début, je sou­hai­tais produire en France ou en Europe. Sur 43 usines appelées, une seule m’a donné une réponse positive. Je suis contente de cette col­la­bo­ra­tion. L’usine se situe en Tunisie et est dirigée par une famille française : la sœur s’occupe de la lingerie et le frère se charge de la teinture. Ils sont supers sympas ! Les autres usines ne cor­res­pon­daient pas à ma demande. Les minimums de quantité à produire étaient énormes. C’était impos­sible à gérer finan­ciè­re­ment pour moi.

    Avez-​vous déjà imaginé un plan B ?

    J’ai beaucoup hésité avant de me lancer. En voyant tous mes amis qui cher­chaient un CDI, je me suis alors demandé si l’entrepreneuriat était une bonne idée. Après plusieurs mois de réflexion, je me suis lancée en me disant « Si jamais ça ne marche pas et que je ne vends pas, j’aurais quand même acquis une expé­rience d’entrepreneuriat de dingue ! ».

    Quelles dif­fi­cul­tés rencontrez-​vous aujourd’hui, en phase de commercialisation ?

    En juin prochain Line Paris fêtera ses deux ans. Je commence à voir les limites à entre­prendre seule à être solo­pre­neur. Je vois mes camarades qui entre­prennent à deux voire trois et qui avancent beaucoup plus vite. À l’inverse, il y a certains aspects que je n’ai pas le temps de bien suivre comme je le sou­hai­te­rais, parce que je suis sol­li­ci­tée ailleurs. Je pense à recruter un stagiaire. Néanmoins, j’ai la chance d’avoir mon père qui est comptable. Une de ses col­la­bo­ra­trices s’occupe de mon dossier. Je suis également accom­pa­gnée sur le plan financier.

    Comment avez-​vous financé Line Paris ?

    J’ai eu la chance d’avoir fait trois ans d’alternance dans le cadre de mes études. Je me suis d’abord servie dans mon épargne. Ensuite, j’ai participé à plusieurs concours. J’ai récolté environ 8000 euros de sub­ven­tion. Un conseil : il ne faut pas hésiter à toquer à toutes les portes pour trouver de l’aide. En dernière année de master, j’ai également remporté 5 000 euros lors du concours Tous Labellisés. L’année dernière, j’ai reçu le titre de « Pépite », au sein du plus gros réseau d’étudiants entre­pre­neurs en France. Cette nomi­na­tion est très précieuse. Elle m’a permis de par­ti­ci­per à d’autres concours et intégrer Station F, le plus gros campus de start-​up au monde.

    Danna Taguia, fon­da­trice de Line Paris ©Emma Jalis

    Un peu plus de 3 600 personnes vous suivent sur Instagram. Quelles ont été les premiers retours suite à l’annonce de la première collection ?

    Franchement, j’ai eu de super bons retours. J’ai fait une campagne de crowd­fun­ding, un système de finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif. J’ai donc fait appel à des uti­li­sa­teurs pour m’aider à financer la pro­duc­tion de Line Paris. En échange, ces clients découvre ma col­lec­tion en premier, avant qu’elle soit dis­po­nible sur mon site internet. C’était chouette de découvrir les retours des clients, qui étaient vraiment positifs.

    Comment décririez-​vous votre business model ?

    Mon business model est très simple : il repose sur la vente de produits, de sous-​vêtements. Je pense également à diver­si­fier mon offre, notamment lors de réunions de vente. J’ai également participé à un marché de Noël en décembre. Je sais que je ne serais pas rentable la première année. Ce n’est pas possible. Cependant, mon objectif est d’arriver à l’équité. Avec mes prix, c’est ce que je devrais obtenir. Je me donne un an pour tout écouler. J’ai 904 pièces et j’en ai déjà 100 en prévente sur mon site internet.

    Avez-​vous ressenti une hausse des prix des matières premières, liée à l’inflation, auprès des fabricants ?

    Personnellement, non parce que c’est ma première col­lec­tion. Cependant, ma styliste l’a remarqué. En comparant aux autres années, le coût de pro­duc­tion a augmenté. Par exemple, on est aujourd’hui à 15 euros le haut et 10 euros le bas. Il y a deux ans, c’était environ 6 euros. Le secteur est en dif­fi­culté depuis le Covid.

    Comment vous imagineriez-​vous dans quelques mois, voire plusieurs années ?

    Je commence à tra­vailler sur la prochaine col­lec­tion pour la sortir, idéa­le­ment, en hiver prochain. Dans un futur lointain, je m’imagine avec mes bureaux, et une petite équipe de dix personnes. J’aimerais des ateliers pour réaliser direc­te­ment les pro­to­types. J’ai aussi l’ambition de présenter deux col­lec­tions lingerie et une col­lec­tion maillot de bain par an.

    Croyez-​vous au profil type de l’entrepreneur ?

    Je crois que c’est un mythe. Je le pensais au début. Ceux qui entre­prennent autour de moi, en général, ont plutôt un com­por­te­ment de leader. Lorsque j’étais à Station F, je me suis rendu compte des dif­fé­rences per­son­na­li­tés des entre­pre­neurs. J’ai rencontré des personnes très discrètes, et d’autres, qui crient leur entre­pre­na­riat. Il y a des profils « éco », comme moi et des créatifs.

    Quels conseils donneriez-​vous à ceux qui sou­haitent entreprendre ?

    Avoir beaucoup de mental et de la confiance en soi. Il faut savoir écouter les autres, mais pas trop. Enfin, je conseille­rais de réaliser son projet à 100%, le faire à fond !

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