Ce 8 mars, journée internationale des droits de femmes, nous avons rencontré une figure emblématique du monde culinaire. Sarika Sor, jeune Lilloise de 29 ans, est la gagnante d’Objectif Top Chef 8. Après s’être reconvertie dans la cuisine, elle est la toute première candidate à intégrer la brigade de Philippe Etchebest durant la saison 14 de Top Chef. L’apprentie du Clarance Hôtel de Lille se livre sur son parcours atypique, sa passion pour la cuisine, et ses projets à venir.
Quel a été votre parcours avant de participer à Objectif Top Chef ?
« J’ai un parcours un peu particulier. Il y a quelques mois, j’ai gagné Objectif Top Chef (concours réservé aux amateurs et apprentis) mais de base, je ne suis pas du tout dans le métier. Je me suis réorientée il y a deux ans après avoir fait un bac S, un an de droit, une licence de gestion et un master en marketing. J’ai toujours aimé la cuisine et je cuisine beaucoup depuis mon post-bac. Je travaillais dans le restaurant de mon oncle pour payer mes études, mais ça n’avait jamais été une possibilité de carrière. Finalement, j’ai décidé d’intégrer un CAP cuisine à Lille, et j’ai fait un Bac Pro en formation accélérée durant un an. Je me suis lancée par passion car je me suis dit que si ça ne fonctionnait pas, j’aurais toujours une possibilité de rebondir grâce à mes études. »
Quel est votre objectif en cuisinant ?
« Mon objectif a toujours été de faire goûter des bons produits. Je fais de la cuisine pour pouvoir allier créativité et rigueur, sortir une assiette bien assaisonnée et reproduire à la maison ce que je mange au restaurant. Mais la cuisine, c’est aussi un bon moyen de faire passer des messages. »
Qu’est-ce qui fait la spécificité de votre cuisine ? De quoi vous inspirez-vous ?
« Ma cuisine est clairement influencée par mes origines cambodgiennes et par les restaurants dans lesquels j’ai travaillé. J’ai bossé dans des restos gastronomiques et étoilés qui utilisaient beaucoup de produits de la mer, donc je me base toujours là-dessus. J’aime beaucoup le gingembre et la coriandre, et j’adore travailler les fruits de mer, la langouste, le homard et les légumes ; je ne cuisine pas trop de viande. »
Comment vivez-vous le fait d’être une femme dans un monde particulièrement masculin ?
« Dans le monde de la cuisine, c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de place pour les femmes. Quand on pense à la cuisine, on rattache souvent la femme à la ménagère qui fait à manger pour sa famille, alors qu’on pense à l’homme en tant que grand chef étoilé. On l’a d’ailleurs vu durant la cérémonie du Guide Michelin 2023, où les femmes représentaient moins de 10% des récompensés. Entre nous (les femmes), on est très solidaires. »
Quelles qualités ou quels traits de caractère sont nécessaires pour réussir dans ce milieu ?
« Il faut être bien accroché. Ce matin, mon chef a dit que j’étais quelqu’un de très rigoureuse et déterminée, je pense que c’est ça qui a contribué à ma réussite. Il faut aussi être conscient que c’est très compliqué d’avoir une vie privée dans ce métier. Quand je me suis réorientée, je n’avais plus de vie. Je voyais moins mon chéri, je ne voyais plus mes potes… Les horaires sont assez durs, donc je n’ose même pas imaginer comment ça se passera le jour où j’aurai une famille. »
Pourquoi et comment avoir décidé de participer à l’émission ?
« Je n’en sais rien du tout. J’ai toujours regardé Top Chef, on faisait des soirées à la maison avec mes potes et je cuisinais devant l’émission. Ils ramenaient les boissons et je m’occupais de la nourriture. On divisait la facture par 6 donc ça me permettait de toucher à des produits plus chers comme du poisson frais, des noix de Saint-Jacques etc. Mes amis me disaient que ce serait une bonne idée que je me lance, et j’ai participé à un concours appelé « Mange Lille ». J’ai gagné le concours en tant qu’apprentie, mais j’ai aussi obtenu le prix « toutes catégories confondues ». J’ai été repérée par le casting de M6 pour faire Objectif Top Chef et j’avais envie de voir ce que je valais. En général, je suis hyper exigeante envers moi-même et dans ce que j’entreprends. Dans ma vie, il y a eu très peu de place pour l’échec. Là, c’était la première fois que j’alliais ma passion à la réussite. J’ai décidé de ne pas trop me mettre la pression, l’objectif, c’était surtout de survivre et de ne pas me taper la honte. »
Quels sont vos projets pour le futur ?
« L’objectif (même si ce n’est pas pour tout de suite), c’est d’ouvrir un établissement qui me ressemble. Je me pose pas mal de questions depuis quelques mois car j’ai ce problème de légitimité, de par ma reconversion tardive et rapide. Je veux continuer à me former. Pour l’instant, le but est vraiment d’apprendre un maximum de choses. Je me rends compte que le milieu de la restauration a pas mal évolué, donc je continue d’y réfléchir. Ouvrir un resto, c’est très difficile à cause de l’inflation, de l’augmentation des matières premières et des énergies. Le gastronomique, ce n’est pas ce qui est le plus rentable actuellement. Faire de la street-food, c’est quelque chose qui pourrait me plaire aussi, mais je change d’avis toutes les semaines… Le concept sur lequel je travaille en ce moment, c’est une grande table d’hôte de 15 – 20 couverts, avec une cuisine ouverte qu’il serait possible de privatiser.»
Un petit mot de fin ?
« Ma plus grande réussite, c’est ma réorientation. On ne connaît pas encore le gagnant de Top Chef, mais je suis très contente de mon parcours…»