Au Faubourg de Bethune, vit un large monde associatif. Classé zone franche urbaine, le quartier historique de Lille connaît un chômage qui s’élève à 14,4 %, contre 7,3 % pour la moyenne nationale, en 2023. Comment changer la donne ? Appoline Khamsy, conseillère en formation, détaille tout un programme.
Le Faubourg de Bethune fait partie de ces quartiers historiquement lillois. Autour de ce quartier prioritaire de la ville (QPV), gravitent plusieurs antennes associatives, lesquelles sont gérées par le Centre social. Parmi elles, « Une voie choisie vers l’emploi », dont le local est voisin des habitations alentour. Co-financé par le fonds social européen (FSE+), la commune de Lille et la région du Nord, le dispositif s’adresse aux jeunes âgés entre 15 et 29 ans. Le but ? Les accompagner dans la recherche d’une formation. Pour parvenir à cet objectif de tous les jours, le programme comporte des séances de coaching personnalisé afin de retrouver confiance en soi, des sorties au sein d’entreprises, et même des voyages.
NEET : Ni emploi, ni études, ni formation
Not education, employment, and training, tel est le nom de l’acronyme pour qualifier ces 12,5 % de jeunes (INSEE 2023) qui n’ont ni emploi, ni études, ni formation. « On accompagne principalement les jeunes du Faubourg de Bethune pour une durée de 4 à 6 mois, quel que soit leur projet : alternance, apprentissage, formation, reprise d’études… », explique Appoline Khamsy, conseillère en formation. Depuis peu, le dispositif s’est ouvert à toutes villes de France. Si le Faubourg de Bethune est pourvu de ce poumon associatif, les causes sont diverses. Tout d’abord, le quartier est en pleine rénovation : « Actuellement, certaines tours sont en train d’être détruites, les jeunes peuvent être un peu perdus par tout ce changement ». Les parcours de vie difficiles n’aident en rien à la situation, beaucoup de jeunes sont désorientés, et certains ne sont pas particulièrement animés par l’envie de trouver leur voie. Souvent, par méconnaissance. « Il y a des jeunes qui viennent par curiosité, les parents les poussent parfois, et puis il y a des cas où toute la famille a grandi avec le Centre social, ils connaissent son fonctionnement », explique Appoline Khamsy, ajoutant que « ces jeunes n’ont souvent pas idée du large choix qui s’offre à eux ». En ce sens, l’association est parée d’une « équipe mobilisation », qui va à la rencontre des jeunes au sein de clubs sportifs, par exemple.
« Se connaître soi-même »
Qu’il est difficile de connaître les autres avant de se connaître soi ! Cette phrase à l’allure philosophique résume pourtant bien la situation générale dans laquelle se trouve cette partie prédominante de jeunes. Quand l’écriture d’un CV est un obstacle, que dérouler son parcours ou ses qualités à l’oral, face à un ou plusieurs recruteurs, la recherche d’un emploi ou d’une formation s’avère d’autant plus ardue. Une « Voie choisie vers l’emploi » est aussi un cheminement. Le temps du dispositif, c’est-à-dire quatre mois, l’accompagnement individuel a lieu une fois par semaine. Au programme : simulation d’entretien, aide à l’écriture de CV et de lettre de motivation. Théoriser, c’est bien, mais « voir le vrai », c’est mieux. A cet effet, des visites d’entreprises, de centres de formation sont régulièrement prévues. Ces sorties ont le mérite de générer des envies insoupçonnées. Parmi les secteurs les plus demandés, le numérique est sur le podium. Appoline Khamsy se souvient d’un jeune qui ne connaissait pas du tout ce milieu. Aujourd’hui, il est développeur « front end » (développement web). Les métiers de la logistique sont aussi prisés : préparateur de commande, livreur, entretien des locaux… Si les places sont comptées, pas de fatalisme, aucun jeune n’est laissé sur le carreau. La mission locale travaille main dans la main avec l’association, cette synergie formée par les deux dispositifs permet de combler le plus d’attentes possibles, aussi bien de l’employeur que du jeune.
En juin 2023, l’association est partie au Maroc, à Oudja. Pendant une dizaine de jours, les jeunes du Faubourg de Bethune ont profité d’un projet de mobilité internationale, mis en place par le Centre Social. La thématique étudiée était le développement durable, avec la création d’un jardin écologique, suivie d’une formation sur l’agriculture urbaine et de plusieurs visites pédagogiques… Appoline Khamsy parle de ces jeunes qui sont de plus en plus sensibles à l’écologie : « Ce n’est pas la préoccupation de tous les jeunes, tous n’y sont pas sensibles. Mais cette sortie, à Oudja par exemple, a permis de leur faire prendre conscience des enjeux écologiques, de comprendre comment cela fonctionnait ».
D’autres projets sont à l’étude, comme « un dîner vers l’emploi ». La manoeuvre est simple et originale : une sélection d’employeurs, qui recherchent un profil bien défini, et une sélection de jeunes qui remplissent les cases. L’entretien se déroule à table, durant le repas du midi. Les jeunes et les employeurs mangent ensemble, échangent, font plus facilement connaissance, en petit comité.
La génération Z, qui est-elle ?
Cette génération de travailleurs nés à partir de 1997 est souvent pointée du doigt. Trop dilettante, pas prête à des sacrifices professionnels au début de leur carrière, souvent en retard… Début 2024, un sondage BFM Business avait reçu 4 700 réponses. Au total, près de deux votants sur trois ont exprimé leur accord avec cette assertion. Appoline Khamsy, au contact de cette génération, confirme, tout en nuançant : « Il y a de plus de réticences sur les horaires décalés, les métiers physiques.. Mais pourquoi ? Parce que les salaires ne sont souvent pas au rendez-vous. Cependant, on s’adresse ici à une tranche particulière : les jeunes dans le besoin. Et quand on est dans le besoin, on ne calcule pas vraiment ». Mais la génération Z n’a pas le poil dans la main qu’on aime à lui prêter. De plus en plus de jeunes sont prêts à retourner sur les bancs de l’école, au travers d’un contrat en alternance, pour pratiquer le métier qu’ils ont toujours visé, mais jamais entrepris, faute de diplôme. Pour exemple, c’est le cas récent d’un élève en études d’électricien. « C’est non seulement une réussite pour le jeune, mais une réussite pour l’équipe, qui le suit tout au long de son parcours ».
Les centres sociaux en danger, les jeunes aussi
Fin janvier, près de 3 000 personnes manifestaient à Lille. Salariés, bénévoles et adhérents des centres sociaux ont dénoncé la détresse économique dans laquelle se trouve ces structures de proximité, essentielles à la survie de certains quartiers. « Faire plus avec moins » est une phrase qui était alors sur toutes les lèvres. Appoline Khamsy confirme sans mal : « Le Centre Social a bien évidemment manifesté. La situation est compliquée, les charges augmentent, tout augmente ». Puis, la conseillère vient à parler des conséquences dont les jeunes sont les premiers tributaires : « On reçoit même des mineurs qui veulent travailler, qui sont à la recherche d’argent pour combler les trous. Certains finissent même par dormir dehors ». Salariés comme adhérents espèrent surtout une revalorisation des fonds alloués (CNAF, collectivités, Départements, Région, Etat…).