Au matin du dimanche 26 février, un bateau transportant des migrants se brise au large des côtes italiennes. En tout, 62 morts dont des enfants et un nouveau-né pour 80 personnes seulement retrouvées en vie. Alors que le gouvernement italien vient d’adopter une réforme anti-migration, les circonstances de ce drame questionnent la responsabilité de l’Etat.
Mercredi 22 février, des migrants issus d’Irak, d’Iran, d’Afghanistan, de Somalie et du Pakistan embarquent clandestinement à Izmir en Turquie pour rejoindre les côtes italiennes. Les conditions météorologiques sont défavorables et dimanche, à l’aube, l’embarcation se brise lorsqu’elle heurte un massif rocheux. Certaines personnes parviennent à rejoindre le rivage par leurs propres moyens, tandis que d’autres se noient.
Quelques heures avant le naufrage, l’agence européenne Frontex lance une première alerte : un avion a repéré une embarcation à moins de 100 kilomètres des côtes de Calabre. Selon Ansa, la principale agence de presse italienne, deux patrouilleurs italiens auraient alors pris la mer pour tenter d’effectuer un sauvetage. Les conditions climatiques les contraignent à rebrousser chemin ; c’est peu après que le bateau se serait échoué.
Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres italien, s’est empressée d’exprimer sa « profonde douleur ». Des mots qui dissonent avec la politique migratoire qu’elle mène depuis son arrivée au pouvoir. Au moment de son élection, elle avait choisi d’axer sa campagne autour de la question de la crise migratoire. Son objectif étant de créer un blocus naval pour réguler l’arrivée des migrants. Alors que Matteo Salvini lui-même condamnait cette décision, Giorgia Meloni plaidait en faveur de cette initiative comme un moyen de défense des citoyens, des frontières et du marché du travail.
Les maux du gouvernement italien
En janvier 2023, la première ministre italienne entame sa politique en instaurant certaines mesures restrictives contre les ONG qui aident les migrants en mer. Un nouveau code de conduite sous forme de décret menace désormais les commandants de bord des bateaux humanitaires d’amendes allant de 10 000 à 50 000 euros s’ils dérogent aux nouvelles règles du pays.
Puis, quelques semaines seulement avant l’incident, le gouvernement vote en faveur d’une loi entravant la protection en mer. Par cette adoption, l’Italie met fin aux opérations de secours simultanées. D’une part les navires humanitaires sont interdits d’effectuer plusieurs sauvetages à la fois. Cette décision augmente le risque de décès au cours de la traversée de la Méditerranée, route la plus périlleuse au monde pour les migrants. D’autres part, les navires doivent désormais atteindre le port qu’on leur a attribué pour qu’une aide puisse leur être apportée. On comprend mieux ainsi, pourquoi l’opinion publique, critique, tient la présidente de Fratelli di Italia responsable du naufrage.
Outre la responsabilité ou de responsabilité de Giorgia Meloni et de sa politique anti-migration, ce nouveau drame met en lumière la paralysie politique de l’Union européenne au sujet de la gestion de la crise migratoire. A la suite de ce drame, Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne a appelé les 27 pays européens à « redoubler d’efforts sur le pacte migration et asile et sur le plan d’action pour la Méditerranée centrale ».
Dès la crise migratoire de 2015, des négociations avaient pourtant été lancées par les institutions européennes pour élaborer une politique commune en termes d’asile. Ce sujet fait depuis l’objet d’un blocage politique profond entre pays européens. Basé sur la convention de Genève, ce pacte de solidarité « recommande » sans obliger les gouvernements, à continuer de recevoir les réfugiés sur leur territoire. De quoi privilégier l’obligation à la recommandation lorsqu’on sait que depuis 2014, 26 000 migrants ont disparu en Méditerranée.