La Shoah, c’est un sujet qui dérange. Presque plus personne ne s’identifie à cette période. C’est récent mais trop loin en même temps
Le lundi 27 janvier marque la libération du camp d’extermination d’Auschwitz par l’Armée rouge. Cela fait déjà 80 ans que le camp a été libéré. Il n’y a presque plus de survivants qui peuvent en témoigner, et les jeunes générations ne se sentent plus concernées. C’est une époque trop lointaine pour eux maintenant. Pourtant, il ne faut pas oublier. Ne rien oublier pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.
N’oublions pas que ce sont environ 1.3 millions de personnes qui entrent dans le complexe concentrationnaire qu’est Auschwitz entre 1940 et 1945.
N’oublions pas que c’est environ 1.1 million de victimes mortes assassinées dans le camp, la plupart juives.
N’oublions pas qu’aujourd’hui, Auschwitz est un synonyme et un symbole des crimes contre l’Humanité du régime hitlérien, notamment pour la déportation massive du peuple juif, qui compte 6 millions de juifs assassinés.
Les lieux de mémoire, symboles de cette période barbare
Des lieux de mémoire, il y en a plein. Ce n’est pas qu’un lieu, c’est aussi un objet, une personne, un monument, un élément matériel ou idéel. Dans l’esprit collectif, Auschwitz est le premier lieu de mémoire qui nous vient en tête. C’est celui qui est le plus décrit, que ce soit dans les livres, les reportages ou encore dans les séries. Pourtant, il en existe tellement d’autres, même en France. Ils sont tout autour de nous et n’attendent qu’une chose : être vus. C’est le cas des Stolpersteine, ou pierre d’achoppement. Peu de gens connaissent leurs existences, pourtant ils sont là. On les trouve un peu partout en Europe : beaucoup en Allemagne, un peu en France. Les Stolpersteine viennent tout droit de l’imaginaire de l’artiste allemand Gunter Demnig, qui travaille sur la mémoire de la communauté Rom et Sinti déportée depuis Cologne durant la Seconde Guerre mondiale.
Son idée est simple, faire connaitre pour tous, à l’aide d’un Stolperstein, les lieux où ont vécu les victimes de l’Holocauste, avant de se faire déporter. Pour cela, Gunter Demnig imagine des pavés recouverts de laiton doré qui dépassent d’un centimètre du sol, sur lesquels on peut trébucher (stolpern voulant dire trébucher et Stein désignant la pierre en allemand). Dessus sont gravées des informations sur la victime : sa date de naissance, sa date d’arrestation, le camp ou les camps où elle a été déportée, et sa date de mort s’il y en a une. Le premier Stolperstein est posé en décembre 1992, devant l’Hôtel de ville de Cologne. Dessus est inscrit l’ordre de déportation pour la communauté Rom et Sinti ordonné par Himmler, chef des SS. Depuis cette date, environ 100 000 Stolpersteine sont posées dans les rues allemandes ainsi que dans 25 autres pays européens.
Un projet très critiqué
Gunter Demnig rencontre des gens qui sont opposés à son projet. Marcher, trébucher sur une pierre au sol, ce n’est pas donner un nom et une mémoire à une des innombrables vicitimes de l’Holocauste. C’est encore une fois piétiner leur mémoire. Les mettre comme cela, dans la rue, c’est permettre à un animal de les souiller, ou à une personne mal intentionnée de les abîmer. Paris et Munich sont les deux grandes villes européennes qui refusent catégoriquement la pose de Stolpersteine sur leurs trottoirs. Pour la capitale française la raison est simple, ce n’est pas adapté au travail de mémoire parisien. Les Stolpersteine véhiculent une image qui ne correspond pas à l’image de la France, où 75% des juifs ont survécu. Par ailleurs, la communauté juive n’a pas disparu de la capitale, elle est encore présente. C’est aussi le fait de marquer d’un signe distinctif là où habitait une personne juive, ou encore de marcher dessus qui ne plaît pas à la capitale française. Gunter Demnig ne voyait pas les choses comme cela. Pour lui, le fait de les poser dans la rue permettait à tout le monde d’avoir accès à un lieu de mémoire et d’y réfléchir.
Dans les rues lilloises, regardez bien où vous mettez les pieds. La ville compte au total douze Stolpersteine. Vous en verrez peut-être rue Léon Gambetta, à la mémoire d’Eli Rabinovitch ou encore dans la rue Gustave Delory en mémoire de Raylza Blank. En cette période de tensions et de montée de l’antisémitisme, n’oublions pas les millions de victimes qu’a assassinés le III Reich, et honorons leur pensée avec ces lieux de mémoire originaux comme les Stolpersteine