Point d’orgue de trois mois de carnaval rythmant la vie dunkerquoise, la « bande des pêcheurs » s’est déroulée dimanche 19 février. Un retour synonyme de libération, après trois éditions perturbées par la pandémie du Covid-19. Trois journalistes de contrepoint ont enfilé leurs costumes pour vous faire vivre l’événement.
Soixante-douze heures de fête durant, les « Trois Joyeuses » sont l’apogée du carnaval de Dunkerque. Avant le rendez-vous de la citadelle et celle de Rosendaël, c’est dans les rues de la cité de Jean-Bart que défile la bande des pêcheurs. Une explosion de joie et de fête, comme le confirme Joachim : « On est obligé de faire la fête trois jours, car on a posé trois jours de congé ». C’est parti !
11 heures : l’avant-bande des petits masquelours*
Les bars font déjà le plein. Pendant que les parkings périphériques et les rues se noircissent, les jeunes carnavaleux prennent part à l’avant-bande. Des enfants, des poussettes et des plus anciens… la répétition est pour l’instant familiale. Le bruit monte tout doucement, chacun à son clet’che haut en couleur, un plumt’che ou un parapluie. Novices ou expérimentés, les carnavaleux se chauffent doucement mais sûrement.
12 heures : un concours avant le défilé
Midi sonné, rendez-vous au bistrot de la Bastille. Pas pour une bière (quoi que…), mais pour admirer le fameux championnat du monde du cri de mouette. L’établissement est bondé et un mélange de houblon et de transpiration monte au nez. La température est insoutenable, l’air irrespirable. Derrière la scène, quinze participants se défient à imiter le cri de la mouette. Le jury est équipé d’ardoises : « c’est très sérieux comme concours », confie un spectateur observant les candidats crier… dans une banane. Face à des concurrents internationaux, c’est l’Avesnois « Captain Moumou » qui repart avec le tant convoité bouclier de Mouéttus.
15 heures : la bande de Dunkerque s’élance
Les carnavaleux envahissent enfin le boulevard Sainte-Barbe, direction place Jean-Bart. Le tambour et les fifres guident la foule colorée, le carnaval est enfin de retour après trois années en berne. Chaussures de sécurité aux pieds, les habitués lancent un chahut musclé, qui en bouscule plus d’un. « Sort ! », « Chute ! », chaque fait est codifié pour assurer la sécurité de chacun, même si le mouvement de foule surprend : « fais attention à toi tchiot, tu vas t’faire charger ! », prévient un homme à la perruque rose. Les chansons raisonnent dans les rues de la cité.
17 heures : « Libérez les harengs ! »
Les balcons de la place Charles-Valentin débordent. Au centre, les longs parapluies trônent, le moindre centimètre y est piétiné. Chacun guette le balcon de l’hôtel de ville : le maire Patrice Vergriete est attendu pour y jeter du hareng fumé comme le veut la tradition. Il y lance même des frites. Après tout, ça rime avec son patronyme. En bas, la folie. Des « Libérez les harengs ! », sont scandés. Les souvenirs ressurgissent, une locale raconte : « une fois j’ai attrapé un hareng ! Je l’ai gardé plus de dix années dans mon congélateur ». La fenêtre de la mairie s’entrouvre, les lignes jouent des coudes, la frénésie folklorique s’empare de la place.
19 heures : place au Rigodon
La lumière du jour s’est estompée, tous les yeux sont rivés place Jean-Bart. La fameuse statue est habillée d’un kiosque permettant d’accueillir les musiciens. Les carnavaleux continuent de vive voix et tournent autour du monument. Comme si le fameux corsaire menait la danse de la pointe de son épée… Le rigodon s’achève d’ailleurs par une cantate lui étant dédiée. Il fait désormais nuit, les plus courageux continueront de chanter, cette fois-ci au bal.
« J’fais chapelle ! »
Le carnaval ne se vit pas seulement dans les rues et les bars. Tout au long de la journée, le mot « chapelle » retentit. Rien de religieux dans cette tradition, même si elle a ses fidèles. Des balcons, des salons, des jardins… quand un Dunkerquois ouvre son chez-soi à ses amis, il « fait chapelle ». On y vit des moments d’amitié, sans oublier d’y boire et d’y manger. Mais on ne peut pas entrer à l’improviste, il faut toujours connaître quelqu’un qui connaît le propriétaire des lieux…
Comprendre le carnaval dunkerquois
*Si vous aussi, vous souhaitez découvrir le carnaval de Dunkerque, voici une petite liste de mots clés à adopter au plus vite pour vivre pleinement les festivités, par Romain Lesourd :
- Bande : un cortège de carnavaleux
- Clet’che : le costume des carnavaleux
- Foye : la fête
- Kipper : du hareng fumé
- Masquelours : les carnavaleux de Dunkerque
- Plum’tche : un plumeau
- Rigodon : l’hommage aux corsaires, défilé circulaire autour de la statue de Jean Bart
- Zot’che : un baiser sur la bouche